Épris de sa (corne)muse…
De sa campagne lotoise, Robert Matta fait voyager les cornemuses occitanes à travers les âges et les frontières… Ses instruments, fabriqués artisanalement, font tant le bonheur des musiciens professionnels de par le monde (jusqu’en Australie !) ainsi que de nombreux élèves des écoles de musique du Sud-Ouest. Luthier donc, musicien bien sûr, et chercheur surtout…
En quoi consiste votre travail de luthier ?
RM : Il consiste essentiellement à reconstituer, depuis trente ans que je le pratique, le plus de cornemuses occitanes, c’est-à-dire celles qui sont situées géographiquement de la limite du Périgord en montant jusqu’à Limoges et jusqu’aux vallées italiennes.
Je fabrique actuellement la chabrette périgourdine, la chabrette limousine, la grande craba ou bodèga de la Montagne Noire, la boha (la petite cornemuse des Landes de Gascogne), la piva d’Estròp (des vallées occitanes italiennes) et la samponha dans les Pyrénées. Il m’est arrivé de fabriquer des cornemuses du Centre France.
D’où vient cet intérêt, cette passion pour les cornemuses ?
Tout a commencé en 1975 où j’ai découvert la musique traditionnelle occitane. À l’époque, je jouais de la mandoline et de la guitare, j’étais loin des cornemuses. Je jouais beaucoup avec une chanteuse occitane très connue, Rosina de Pèira. À son contact, j’ai tout de suite été sensibilisé à l’occitan. Et probablement que mes origines sardes expliquent aussi cet amour pour les sons des cornemuses et des hautbois !
Où et comment avez-vous appris ce savoir-faire ?
J’ai dû me débrouiller car le gros problème était que très peu de gens fabriquaient ces instruments. Je me suis tourné vers un vieux bonhomme, monsieur Eloi Vargas, à Sète, qui fabriquait des hautbois et qui m’a gentiment accepté dans son atelier pendant un week-end, pas plus ! Il m’a montré comment on tourne un instrument de musique traditionnelle. Le premier instrument que j’ai fabriqué était un hautbois. En un week-end, grâce à lui, j’ai appris énormément de choses. Ensuite il m’a dit : « voilà, il faut se lancer… ». Et c’est ce que j’ai fait.
Quelles sont les principales matières premières que vous utilisez pour la fabrication des cornemuses ?
J’utilise le bois du buis pour le pied et le(s) bourdon(s). C’est un bois très intéressant car très dur et surtout facile à trouver dans nos régions. L’étain et la corne pour les décorations. Du cuir aussi pour la poche de l’instrument ; avec de la peau de chèvre, d’où le nom de chèvre pour nommer la grosse cornemuse en occitan. Pour l’anecdote, il faut savoir qu’en Irlande, ils utilisent aussi la peau de chien pour son étanchéité, qualité que l’on recherche avant tout.
Vous est-il arrivé d’imaginer, d’inventer un nouvel instrument ?
Oui, en partant d’une cornemuse gasconne qui a une tonalité très aiguë. J’ai descendu l’instrument dans la tonalité grave, très grave, même, tout en préservant son « esprit ». Son nom est bohassa, dérivée de la boha qui signifie « souffler » en occitan (gascon). Traditionnellement, il n’y avait pas d’instrument aussi grave et il se trouve que ça plaît actuellement. Par ailleurs, je pense avoir beaucoup fait évoluer l’anchage notamment grâce à l’utilisation de matériaux synthétiques (fibre de carbone, plexiglas). Cela permet au final d’avoir des instruments énormément fiables qui s’intègrent à tout système d’orchestre.
Luthier mais pas que. Dans quelles formations musicales vous trouve-t-on ?
Le groupe principal dans lequel je joue s’appelle Trencavel, il a sorti deux disques. On écrit nos textes, on compose dans un esprit traditionnel (valses, scottishes…) et on chante. J’ai aussi un duo qui prend de plus en plus d’ampleur avec Pierre Rouch et qui vient de sortir un CD, c’est le duo Matta-Rouch. Je fais également partie de l’ensemble musical occitan La Confrérie des Souffleurs, qui est mon association, et qui compte de belles pointures.
Propos recueillis par M. Liarsou & A. Garcia